juin24th2020

LES MOTS FOURRE-TOUT

On le sait. Les politiciens et les médias aiment les mots fourre-tout. Et nous, le peuple ? Nos politiciens et leurs conseils en « com » en sont convaincus. Sinon ils ne les utiliseraient pas à un degré devenu indigeste. Des mots fourre-tout sont des mots ou des formules si vagues que tout le monde s’y retrouve. Et ce « tout-le-monde » pourrait – ainsi l’espèrent nos acteurs politiques – se transformer en « majorité » lors de la prochaine élection. Leur calcul : « Soyons vagues, pour être élus ! »

 

Voici maintenant trois nouveaux mots fourre-tout, qu’on nous assène depuis quelque temps:       les « valeurs », « (assumer) sa responsabilité », et « bio ».

Un petit regard dans un dictionnaire nous laisse vite découvrir qu’il y a dans la langue française au moins huit différentes significations pour le mot « valeur » ; en allant des valeurs en mathématique ou dans la musique, en passant par des valeurs en économie et en finance jusqu’aux valeurs dans le domaine de la morale et de l’éthique. Quand nos politiques parlent des « valeurs », ils se réfèrent aux valeurs morales ou éthiques, comme, par exemple, la liberté, la justice, la solidarité. Or, ils ne précisent pas que ces valeurs sont d’ordre morale ou éthique. Pourquoi ? L’adjectif « éthique » sonne dans l’oreille d’un français trop individualiste, pas engageant toute une cité, et l’adjectif « moral » sonne trop ringard. On renonce donc à une précision concernant le type de « valeur » dont on parle, et on est, ensuite, étonné que dans l’oreille du citoyen le mot « valeur », sortant d’une bouche d’un acteur politique, fait penser plus à des valeurs financières  ou immobilières dont l’acteur politique serait propriétaire.

Un autre mot, ou plutôt, une autre formulation fourre-tout, c’est « assumer sa responsabilité ». Etre responsable signifie d’assumer les conséquences de ses actes (sur le plan moral ou juridique). Aujourd’hui on peut constater sans hésitation que notre société doit être dans un triste état moral, si le fait qu’un « responsable politique » souligne une évidence, i.e. qu’il assume comme décideur les conséquences de ces décisions, lui vaut être considéré comme une personne de vertu !

Terminons cette petite réflexion avec le mot « bio ». A l’origine on désignait avec ce mot (abréviation du mot « biologique ») le fruit d’une production agricole sans utilisation de la chimie. Cela était considéré comme bien pour la santé, et c’est pour cela, même des produits hors agriculture, considérés comme bon pour la santé, étaient anoblis du titre « bio ». En plus, le « sans-chimie » faisait partie de l’approche écologique, ce qui faisait que pour certains « écologique » et « bio » sont devenus des quasi-synonymes. Le résultat problématique de ce « fourrage » sémantique du mot « bio », nous l’observons aujourd’hui, quand il faut expliquer aux citoyens et consommateur français, qu’il y a des produits « bio » qui ne sont pas du tout automatiquement bons d’un point de vue écologique, car transportés sur des milliers de kilomètres et/ou pas nécessairement toujours bons pour la santé de tous.

 

Tous ces exemples donnent l’impression que nous assistons depuis des années à une évolution où l’inflation des mots fourre-tout reflète une dangereuse tentation vers une politique fourre-tout.