jan19th2024

IL VAUT MIEUX CONTRÔLER QU’AVOIR CONFIANCE

En France, il vaut mieux contrôler qu’avoir confiance ? On dit que Lénine aurait dit « Mieux vaut contrôler qu’avoir confiance ». En réalité, cette citation révèle une histoire et une question beaucoup plus compliquées. Cela commence avec le fait que Lénine n’a jamais écrit en russe une telle affirmation, mais ce qui est attesté, c’est qu’il utilisait dans ses discours régulièrement l’idiome russe classique « Faites confiance, mais vérifiez ». Or, les deux formules n’affirment pas la même chose quant au statut de la confiance. La « citation Lénine » suggère que la confiance n’est pas forcément nécessaire (pour gérer un groupe ou une collectivité), contrairement au contrôle ; tandis que l’idiome russe souligne la nécessité de la confiance, qui, pourtant, ne doit pas être aveugle, mais prêt à confronter la réalité à travers une vérification. Il va de soi, en plus, que la notion scientifique de « vérifier » n’a pas du tout le même sens que le mot « contrôler ». Or, il paraît que la société française est en train de glisser vers une situation, où la gestion collective suit de plus en plus la philosophie apparemment exprimée par Lénine. Comment la France en est arrivée là ? La réponse est simple : parce que la confiance partagée, ciment d’une société, n’existe plus, érodée par l’hyper-individualisme, et pourtant, la nécessité de gérer cette société archipélisée reste. Nous constatons tous que la confiance s’érode à tous les niveaux. On n’a plus automatiquement (ou « naturellement » ?) confiance dans (et respect pour) les représentants de la police, de la médecine, de la politique, des secours pompiers, du monde scientifique, de l’Eglise, des médias. Et on pourrait continuer cette liste. C’est plutôt la méfiance qui est cultivée, même dans le domaine intime de la famille, dont sa forme traditionnelle est présentée comme « has been », comme lieu favori d’harcèlement du faible et d’oppression des femmes. En qui peut-on donc encore avoir confiance ? Il faut donc « contrôler » ces individualistes invétérés, qui se méfient de tout, pour que tout ne dérape pas en « crise sociale » ou en « guerre civile larvée » ou en « guerre des sexes ». Or comment on « contrôle » dans une démocratie ? Avec des LOIS, que la police et les juges sont chargés de faire respecter. On va donc « judiciariser » la société, remplacer la confiance mutuelle par une multiplication, parfois même une explosion des lois (souvent non appliquées), par des « contrats », des « conventions », des « chartes déontologiques ». On crée des nouvelles normes, des contraintes et obligations juridiques supplémentaires, jusqu’à des déclarations obligatoires de consentement pour des actes sexuels. Or, toute le monde le réalise maintenant, que tout cela ne remplacera jamais la confiance perdue, mais dégage de plus en plus l’odeur d’un totalitarisme rampant, qui étouffe au lieu de « libérer », et qui fait le nid pour des acteurs et actrices politiques, qui offrent des solutions simples et idéologiques, soit d’extrême gauche ou d’extrême droite. Et au lieu d’appuyer des forces modérées qui essaient, en dehors du pipeau pompeux démagogique et loin des ruses de la « com », d’aider sincèrement les français(es) à retrouver ensemble une confiance partagée, qui donne un espoir commun pour le présent et pour l’avenir, beaucoup de nos compatriotes sont tentés par des solutions totalitaires, ce qui aurait probablement bien plu à Lénine.